Cas Cowichan en C.-B. : Quel impact pour la construction au Québec?
Adryan Serage

Cas Cowichan en Colombie-Britannique : Un précédent aux répercussions majeures pour la construction au Québec
Introduction : Plus qu'une nouvelle lointaine
À première vue, l'annonce du premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, de demander à la cour de surseoir à la mise en œuvre d'un jugement historique concernant les Tribus Cowichan peut sembler être un enjeu politique et juridique lointain. Cependant, pour les professionnels de la construction au Québec, ignorer ce développement serait une erreur stratégique. Cette affaire, qui se joue à l'autre bout du pays, est un signal précurseur des changements profonds qui se dessinent dans le paysage réglementaire canadien concernant les droits territoriaux autochtones et, par conséquent, l'avenir des projets de construction et d'infrastructure. Ce jugement remet en question les fondements mêmes de l'octroi de permis et de l'obligation de consulter. Il ne s'agit plus de savoir si l'on doit consulter, mais comment, jusqu'à quel point, et avec quelles conséquences si le consentement n'est pas obtenu. Cet article se propose de décortiquer le jugement Cowichan, d'analyser ses implications potentielles pour le cadre réglementaire québécois et de fournir des pistes d'action concrètes pour que les entrepreneurs, estimateurs et gestionnaires de projet puissent naviguer cette nouvelle réalité avec prévoyance et agilité.
Comprendre le jugement des Tribus Cowichan : Un changement de paradigme
Pour saisir la portée de cette affaire, il est essentiel de comprendre en quoi le jugement de la Cour suprême de la Colombie-Britannique est si différent. Traditionnellement, l'obligation de la Couronne de "consulter et d'accommoder" les peuples autochtones, enchâssée dans la Constitution, était interprétée comme un devoir de dialogue significatif. Les gouvernements devaient informer les communautés autochtones des projets sur leurs territoires traditionnels, écouter leurs préoccupations et tenter de trouver des accommodements. Cependant, cela n'équivalait pas à un droit de veto.
Le jugement Cowichan a fait voler en éclats cette interprétation. La cour a statué que pour les Tribus Cowichan, la province ne pouvait pas simplement consulter; elle devait obtenir le consentement de la nation pour les décisions d'utilisation des terres sur leur territoire. En d'autres termes, la décision a transformé un devoir de processus (la consultation) en un devoir de résultat (le consentement). C'est ce qui a poussé le gouvernement de la C.-B. à parler de "chaos juridique" potentiel, craignant une paralysie du développement économique et une incertitude généralisée pour tous les types de permis, des opérations minières aux simples permis de construire résidentiels.
La distinction est fondamentale pour l'industrie de la construction :
- Le modèle de consultation : Implique des délais, des études supplémentaires et des coûts d'accommodement. Le risque est gérable et peut être intégré dans la planification et l'estimation d'un projet. Le promoteur et le gouvernement conservent le pouvoir décisionnel final.
- Le modèle de consentement : Introduit une incertitude radicale. Le projet peut être bloqué indéfiniment, même après des années d'investissement en planification, en ingénierie et en études environnementales. Le pouvoir décisionnel est partagé, voire transféré, à la communauté autochtone concernée.
La demande de sursis du gouvernement Eby vise à suspendre l'application de ce jugement en attendant l'appel, afin d'éviter une interruption abrupte des processus d'approbation provinciaux. Mais le simple fait que ce jugement ait été rendu crée un précédent juridique qui sera inévitablement invoqué dans d'autres provinces, y compris au Québec.
L'impact sur l'industrie de la construction au Québec
Bien que le droit québécois possède ses propres particularités, notamment avec des ententes historiques comme la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, la jurisprudence pancanadienne en matière de droits ancestraux a une influence indéniable. Le jugement Cowichan, même s'il est contesté, renforce considérablement la position des nations autochtones dans les négociations et les litiges futurs au Québec.
Pour les entrepreneurs québécois, les répercussions potentielles sont multiples et concrètes :
- Allongement et complexification de la phase de pré-construction : La diligence raisonnable avant même de soumissionner sur un projet deviendra encore plus critique. Il ne suffira plus de vérifier le zonage municipal. Il faudra mener une analyse approfondie des revendications territoriales, des traités existants ou absents, et de l'historique des consultations dans la région concernée. Les délais pour obtenir les certificats d'autorisation environnementale pourraient s'étirer sur des années plutôt que des mois.
- Augmentation du risque financier et juridique : Le risque qu'un projet soit retardé ou annulé après des investissements significatifs augmente de façon exponentielle. Cette nouvelle couche de risque devra être intégrée dans les estimations de coûts, les provisions pour imprévus et les structures de financement. Les assureurs et les prêteurs deviendront également plus frileux, exigeant des garanties plus solides concernant le consentement des Premières Nations.
- Impact sur les obligations réglementaires : Un projet bloqué ou retardé a des effets en cascade. Un entrepreneur doit maintenir sa licence RBQ, ce qui implique une solvabilité financière. Des retards imprévus peuvent mettre à mal les liquidités. De même, les obligations envers la CCQ concernant la main-d'œuvre (placement, formation) et la CNESST (programmes de prévention sur des chantiers intermittents) deviennent plus complexes à gérer.
- Nécessité de nouvelles compétences : La gestion de projet ne se limitera plus à la coordination des corps de métier sur le chantier. Elle devra intégrer des compétences en relations communautaires, en négociation interculturelle et en compréhension du droit autochtone. Les estimateurs devront apprendre à quantifier des risques qui sont de nature plus qualitative et politique.
Des projets majeurs comme le Plan Nord, l'expansion des réseaux de transport ou le développement de parcs éoliens seront les premiers touchés, mais l'onde de choc pourrait se propager à des projets de plus petite envergure sur des territoires non cédés, même en milieu urbain.
Comment ConstructoAI aide à naviguer cette nouvelle complexité
Face à cette complexification du risque et de la documentation, les méthodes traditionnelles de gestion et d'estimation montrent leurs limites. C'est ici que des outils d'intelligence artificielle spécialisés comme ConstructoAI deviennent non plus un luxe, mais une nécessité stratégique.
Premièrement, la phase de pré-construction impliquera l'analyse de milliers de pages de documents : rapports d'impact, études ethnographiques, transcriptions de consultations, jugements antérieurs, revendications territoriales. Tenter d'analyser cette masse d'informations manuellement est non seulement fastidieux, mais aussi risqué. L'Agent d'Analyse de Documents de ConstructoAI est conçu pour ce défi. Il peut ingérer des corpus documentaires entiers et en extraire en quelques minutes les éléments cruciaux : les obligations de consultation spécifiques, les parties prenantes clés, les risques juridiques signalés, et les précédents pertinents. Par exemple, avant de soumissionner sur un projet d'infrastructure dans le Nord-du-Québec, un gestionnaire de projet peut utiliser notre agent pour synthétiser tous les rapports environnementaux et les ententes passées dans la région afin d'identifier les points de friction potentiels avec les communautés cries ou innues, permettant une évaluation des risques beaucoup plus précise dès le départ.
Deuxièmement, l'incertitude juridique doit être traduite en chiffres dans une soumission. Comment quantifier le coût potentiel d'un retard de 18 mois lié à une contestation juridique? L'Agent d'Estimation des Coûts de ConstructoAI, combiné à ses capacités d'analyse, permet de modéliser des scénarios de risque. En se basant sur des données jurisprudentielles et des projets comparables, l'IA peut aider à calculer des provisions pour imprévus plus intelligentes. Plutôt qu'un simple pourcentage arbitraire, l'estimation peut être basée sur une probabilité de risque calculée, protégeant les marges de l'entrepreneur sans le rendre non compétitif. Cela permet de présenter au client une soumission robuste qui reflète la réalité complexe du projet.
Meilleures pratiques et recommandations pour les professionnels québécois
S'adapter à ce nouveau paradigme exige une approche proactive. Voici quelques recommandations concrètes pour les entreprises de construction au Québec :
- Intégrer la diligence autochtone en amont : N'attendez pas que le client ou le gouvernement vous informe des enjeux. Faites de l'analyse des relations avec les Premières Nations une étape standard de votre processus d'évaluation de projet, au même titre que l'étude géotechnique du sol.
- Budgetiser pour l'expertise : Allouez des ressources pour embaucher des consultants spécialisés en relations autochtones et en droit constitutionnel dès les premières phases de la planification. Leur coût initial est un investissement qui peut vous sauver des millions en frais juridiques et en pertes de projet plus tard.
- Privilégier le partenariat à la consultation : Le changement de paradigme va vers le consentement. La meilleure façon de l'obtenir est de transformer la relation d'une obligation légale à un véritable partenariat. Envisagez des modèles de partage des revenus, des occasions d'affaires pour les entrepreneurs autochtones et des programmes de formation pour la main-d'œuvre locale.
- Documenter méticuleusement : Chaque interaction, chaque courriel, chaque réunion et chaque accommodement doit être documenté de manière rigoureuse. Cette documentation est votre meilleure défense en cas de litige et démontre votre bonne foi.
- Réviser vos clauses contractuelles : Travaillez avec vos conseillers juridiques pour mettre à jour vos contrats types. Les clauses relatives aux retards, aux cas de force majeure et à la répartition des risques doivent explicitement aborder les enjeux liés aux consultations et aux autorisations autochtones.
Conclusion : Anticiper pour prospérer
L'affaire des Tribus Cowichan en Colombie-Britannique est bien plus qu'un fait divers juridique. C'est un jalon qui marque l'accélération d'une tendance de fond : la réconciliation et l'affirmation des droits autochtones redéfinissent les règles du jeu pour l'utilisation du territoire au Canada. Pour l'industrie de la construction au Québec, le message est clair : le statu quo n'est plus une option viable.
Les entreprises qui réussiront dans la prochaine décennie ne seront pas seulement celles qui construisent bien et respectent les normes de la RBQ, mais celles qui sauront naviguer avec intelligence et respect la complexité sociale, politique et juridique de leurs projets. L'anticipation, la diligence raisonnable et l'adoption d'outils technologiques avancés pour gérer l'information et le risque ne sont plus des avantages compétitifs, mais des conditions essentielles à la survie et à la prospérité. Le précédent Cowichan est un avertissement, mais aussi une opportunité de réinventer nos façons de faire pour bâtir des projets plus résilients, plus justes et, ultimement, plus profitables pour toutes les parties prenantes.

À propos de l'auteur
Adryan Serage
Spécialiste en Construction et TI
Expert en technologies de construction avec plus de 7 ans d'expérience dans le secteur.